Le blog de Pat Lagachette

Le blog de  Pat Lagachette

jeudi 24 novembre 2016

Bruce Springsteen- Born to run (4,5/5)

Bruce Springsteen- L’ombre du père (My father’s house)

Soyons aussi clair que direct. Si vous n’aimez pas Springsteen, qu’il n’est à vos oreilles qu’un rockeur braillard parmi tant d’autres, que le rock, la soul, et la musique en général ne sont pour vous au mieux, qu’un fond sonore pour la voiture les jours de départ en vacances, qu’un moyen de transpirer sur de la zumba, que vos stars sont plus proche de M Pokora ou de the Voice (et c’est votre droit le plus indiscutable ), ce livre de 620 pages n’est à priori par pour vous. Et puis me direz-vous, après tout, pourquoi lire une énième biographie de rockeur comme on en trouve par dizaines dans les Fnac, ou dans les supermarchés pour les fêtes de fin d’année. Surtout si le rockeur en question vous parle tout autant que Led zeppelin pour Franck Ribéry
.
Eh bien, pour au moins trois bonnes raisons ma bonne dame !
La première, est que ce livre est…. très très bien écrit !
Fait plus que rare dans ce domaine. J’ai lu de nombreuses bio sur le boss, Mais les bios, dans leur très grande majorité, sont TRES mal écrites. Ce sont quasiment toujours des « nègres » qui les produisent à partir d’interview, de sessions d’enregistrement faites à la va vite en quelques rendez vous organisés par les maisons d’éditions. Des bouquins de commande, ou pire, rédigés par des fans auto-satisfaits à partir de ces mêmes bios. Bref, pas plus d’intérêt littéraire que les Inrockuptibles ou Télérama. C’est-à-dire pas de forme, et très peu de fond. De l’inventaire.
Là, Bruce a réellement écrit. Il a remplit minutieusement de petits carnets pendant des années, comme une thérapie, couchant ses angoisses, ses souvenirs, ses réflexions. Même si Il admet honnetement avoir été un peu aidé pour livrer une production propre, en professionnel qu’il est, avec de la construction et le recul nécessaire, de l’écrivain qu’il n’est pas. Mais pas de doute, à la lecture, on respire ici ce qui est rare : l’authenticité. Ce n’est pas du Dostoïevski, ni du Steinbeck, mais c’est vraiment très bien écrit. Le rythme est bien entretenu, l’écriture directe et agréable, sans verbiage prétentieux, avec de très belles analyses psychologiques sur son entourage et surtout de sa relation avec son étrange paternel.

La deuxième raison, c’est que Springsteen nous livre un portrait passionnant de l’Amérique des années 50 à nos jours, du point de vue musical via la naissance du rock avec Elvis (hilarant) au hip hop en passant par le punk, le doowap ou la pop, l’assassinat de Kennedy, la lutte des droits civiques, la guerre du Vietnam jusqu’à ce triste 11 septembre 2011 qui le fera accoucher de « The raising ». Ce portrait est souvent savoureux, très drôle, mais aussi lucide et sans concession, comme quand il se met à dos la corporation policière de NYC en prenant parti pour la cause noire. On a vraiment l’impression d’être avec un pote qui nous raconte son aventure devant une bonne bière. Ce livre c’est une soirée entre amis qui se termine tard et où, l’alcool aidant, on se laisse aller aux confidences les plus intimes., voir les plus trashs.

Tertio, et c’est pour moi l’aspect le plus important, l’histoire et l’analyse de sa relation très difficile avec son père, dépressif et alcoolique, qui amènera le boss à des dizaines d’années de psychanalyse et finalement avaler des kilos d’antidépresseurs. L’artiste nous livre tout, et c’est parfois violent, sur cette relation qui expliquer sa course à l’autodestruction, sa fuite du bonheur et, ce que personnellement je ne me doutais pas, l’emprise de l’alcool, ses soirées tardives à écumer bars et les filles d’un soir. Bref un homme, comme les autres, pleins de démons.
Bruce Springsteen n’est pas un écrivain. C’est un Songwriter merveilleux qui mieux que personne à su décrire son Amérique ouvrière, désabusée, avec ses travers, ses espoirs et ses désillusions. Il est mon plus grand héros rock’n roll, la bande son de ma vie. C’est un musicien de légende, un guitariste exceptionnel une bête de scène incroyable à l’énergie explosive, un artiste humble, unique mais …certainement pas un écrivain. Cependant…

Ce livre, très agréable à lire, apporte un éclairage très neuf sur le bonhomme Springsteen, ses dépressions, ses colères, sa relation à l’argent et à la gloire, mais avec pudeur, sans règlement de compte, les comptes il les règle ici mais avec lui-même, et il ne se fait pas de cadeau. C’est histoire d’un homme hanté par son passé, son enfance compliquée, ses frustrations, son combat pour survivre à tout ça, sa difficulté à aimer et à ne pas blesser ceux qu’il aime. Car un jour où l’autre, tout homme se réveille, et il est devenu son père.
« On honore ses parents en essayant de transmettre ce qu’ils avaient de meilleurs, tout en faisant en sorte de se délester du reste. On affronte et on apprivoise les démons qui les ont minés, et désormais vivent en nous. C’est tout ce qu’on peut faire…si on a de la chance. »
« Une nuit j’ai fait ce rêve, Je suis sur scène, ca se passe super bien. Mon père, mort depuis longtemps est assis tranquillement sur son siège. Et puis, je suis agenouillé à ses cotés, et tous les deux, on regarde le type déchainé sur scène. Je lui touche le bras et je lui dis, lui qui est resté paralysé des années par la dépression : Regarde papa, regarde…ce gars sur scène, c’est toi, c’est comme cela que je te vois. »

Je remercie un million de fois Armelle, ma fiancée de m’avoir offert ce livre. Elle ne se doute pas à quel point j'y ai trouvé des raisonnances salvatrices avec ma propre vie, mes propres démons.. Comme de la résilience. J’ai perdu mon père il y a peu, c’est encore excessivement douloureux, c’était mon héros. Pour diverses raisons, Je n’ai pas pu le pleurer comme il l’aurait mérité, j’en porterais la culpabilité le reste de mes jours. Je n ‘ai même pas eu le temps d’être triste. Depuis les larmes coulent de mes yeux, au compte goutte, comme un tonneau trop vieux, craquelé, fendillé et qui fuirait doucement pour ne pas exploser. Toutes ses larmes que j’aurais du verser .Tous les jours, tous les jours, des larmes perlent à mes paupières, quand je roule en voiture, quand je vais à la poste, quand je lis, quand je me douche, quand je dors, quand je ris. Quand je me souviens.
Springsteen est mon idole rock n roll. Ses textes comme sa musique résonne dans mon être comme si cela avait été fait pour moi. Mais, Je n’aurais jamais cru, qu’un jour, un livre (moi qui les aime tant) m’aiderait à surmonter tout cela. Et que ce livre serait écrit par Springsteen lui-même. Merci.Juste , merci.

jeudi 3 novembre 2016

Chanson Douce- Leyla Slimani (4,5/5)

Chanson douce. Une fable tragique.

J’annonce la couleur. C’est vraiment un très grand roman.
Les trois premières pages vous giflent d’emblée. En fait, je devrais dire, les 4 premiers mots. Comme dans l’étranger de Camus. Violents, terribles, insupportables.
Louise, nounou à Paris a tué les deux bambins dont elle avait la garde. Les 224 autres pages vont apporter l’éclairage à cet épouvantable drame. Mais attention, ce n’est pas du tout un roman policier. D’ailleurs on sait tout de l’affaire dés le début du livre. Un monstre, d’innocentes victimes, une famille dévastée.

Sauf que…Leila Slimani va ici nous raconter avec maestria l’histoire de Louise. Elle va s’attacher à nous livrer qui est cette non personne, cette simple bonne, cette …invisible. Comment la vie a brisée ce petit bout de femme frêle et timide, veuve d’un tyran domestique, mère-enfant d’une fille perdue à l’adolescence. Louise, qui n’a plus de vie. En a-t-elle jamais eu ?
Leila nous dépeint, au delà du fait divers, les dérives de notre société, dans ces rapports dominants-dominés. On pense aux bonnes de Jean Genet (l’affaire papin), mais ici, la dérive dans la folie de Louise est d’un autre ordre. Il ne d’agit pas non plus d’excuser naïvement un monstre, mais de comprendre comment une femme peut en arriver à une telle extrémité en pointant du doigt les travers de nos relations de classes, et de subordination.

La construction est très intelligente, avec une tenue en haleine continue, pour nous amener à comprendre, avec empathie, le lent basculement, inexorable, de louise dans la folie meurtrière. Elle, si douce, si aimante avec les enfants, pleine d’abnégation, discrète et travailleuse. Que c’est il passé dans sa vie ? Que c’est il passé dans sa tête ?

Le style ne m’a pas embarqué dans les premières pages. J’étais un peu sur ma réserve, dubitatif. Il me semble qu’un livre est surtout intéressant de par la forme. Ce qu’on demande à un écrivain, c’est qu’il raconte une histoire, mais avant tout, qu’il la raconte bien. Apres qu’il parle d’une chasse à la bécasse ou d’un tueur sadique, personnellement c’est secondaire. Je préfère un roman qui parle de l’histoire de la pantoufle, mais raconté avec talent, que d’une histoire magnifique mais écrite avec les pieds. Et des livres qui ne mériteraient que la poubelle, il en sort à foison tous les mois. Trop.

Mais Leila Slimani sait où elle veut nous amener. On gravit en sa compagnie un escalier douloureux, doucement. Ou plutôt, on le descend, en s’enfonçant dans l’âme de Louise. Et quand l’auteur sort un peu du fait divers pour lâcher son écriture, et élargir notre vision, cela devient réellement magnifique.
« Les squares, les après-midi d’hiver. Le crachin balaye les feuilles mortes. Le gravier glacé colle aux genoux des petits. Sur les bancs, dans les allées discrètes, on croise ceux dont le monde ne veut plus. Ils fuient les appartements exigus, les salons tristes, les fauteuils creusés par l’ennui. Ils préfèrent grelotter en plein air, le dos rond. C’est au milieu de l’après midi que l’on perçoit le temps gâché. A cette heure où l’on a honte de ne servir à rien. »

mardi 1 novembre 2016

L'échapée belle- Anna Gavalda (4,5/5)



120 pages et 2 heures de pur bonheur, ça vous tente?

Le pitch : Une fratrie part pour un mariage promettant d'être lourdingue et évidemment, rien ne va se passer come prévu, de manière jouissive et drolissime. Une galerie de personnages vraiment attachants. Simon, le sage sympathique,impassible et philosophe, mais au bord de l’explosion, sa femme Carine en chieuse hystérique insupportable, ses deux sœurs, Lola, la sensible, et garance, en ado attardée bobo et frivole, Et... l’absent, Vincent en déclencheur de l apocalypse. Avec la présence inattendue de... " Luis Mariano». On pense à Philippe Delerm, aux films de Bacri-Jaoui, ou aux petits mouchoirs.... Ce livre est bijou, tendre, drole et leger. Au passage si vous n'avez pas encore lu de Gavalda, il y a un must : " je voudrais que quelqu'un m'attende quelque part", bouleversant.