Le blog de Pat Lagachette

Le blog de  Pat Lagachette

vendredi 30 décembre 2016

Tropique de la violence – Natacha Appanah ( 4,5/5)

Tropique de la violence – Natacha Appanah

Voici mon dernier livre lu cette année 2016. Je termine bien. Un chef d’œuvre…
Dépaysement à Mayotte, ses lagons, ses plages magnifiques, découverte de ce département français oublié dans le canal du Mozambique près des Comores et de Madagascar. Mais du paradis à l’enfer, il n’y a qu’un pas.

L’auteur nous illustre la détresse immense de la jeunesse de cette ile via cinq personnages qui nous racontent en cascades leurs destins tragiques. Une narration aussi intelligente que captivante, où les uns après les autres, dans leur style propres, ils nous livrent leur part de vérité, au-delà des apparences, de manière croisée, de leurs rencontres initiales jusqu’à leur mort, et même au-delà !
Marie, infirmière de la métropole mal mariée avec un natif de Mayotte qui l’abandonne, et qui recueille le petit Moïse, un enfant naufragé, comme des milliers d’autres enfants, loin des photographes à sensation, loin de la France sourde, aveugle et muette. Moïse, ado en perdition, déraciné, qui n’a que pour seul refuge « l’enfant et la rivière » d’’Henri Bosco qu’il relit sans cesse. Il aura le malheur de rencontrer Bruce, petit caïd dévoré par la haine et la violence, chef de gang de Gaza bidonville favelas pourris par la drogue, la prostitution et le désespoir. Bruce aime Moïse autant qu’il se sent inférieur à lui. Bruce le jalouse même s’il en fait son second. Et quand Moïse rencontre Stéphane, Humanitaire de la métropole qui lui ouvre les portes d’un monde pleins d’espoir, le drame est proche.
Un très beau roman puissant, lucide, âpre. Une très belle écriture sans concession, directe, violente parfois.
Un roman fabuleux pour finir l’année, un Chef d’œuvre donc.

dimanche 25 décembre 2016

Profession du père- Sorj Chalandon (4,5/5)

Profession du père – Sorj Chalandon

Vraiment un très bon roman, très bien écrit avec un style certain (chose rare), émouvant, captivant, puissant, mais dur. Très dur.
2011. Emile, la cinquantaine, enterre son père en compagnie de sa mère. Seuls.
1961. Emile, petit parisien, vit avec sa mère, femme silencieuse, prostrée, soumise à un mari odieux, tyran domestique et complétement paranoïaque. Ce père, sans profession, s’enfonce dans une folie destructrice pour sa famille, s’imaginant, ancien champion de judo, ami de de De Gaulle, espion et même pasteur illuminé. Il fomente un jour le plan absurde d’assassiner le Général au nom de l’OAS. Si cela ne devait que restait un délire ridicule, tout irait encore, malgré son despotisme et sa violence extrême vis-à-vis de son martyr de fils. Emile, les coups, les humiliations, il s’en accommode avec un courage extraordinaire, pour sa mère, qui n’a que lui pour lui venir en aide du fond de son enfer et ne survivant que par une insupportable négation.

La vraie tragédie, c’est que ce monstre va embrigader Emile dans son délire en lui faisant croire avec perfidie à ses élucubrations. Emile, petit bonhomme adulant son faux héros de père, se voir alors transformer en agent secret pour espionner le voisinage et accomplir sa mission sacrée : Sauver l’OAS. La folie de cet homme va amener ce pauvre enfant, déjà martyrisé à commettre, de manière inattendue, l’irréparable.
Un roman poignant mais non larmoyant, sans pathos inutile, avec un suspens véritablement haletant. Emile nous raconte son histoire avec la naïveté d’un jeune enfant. Et c’est particulièrement réussi à ce niveau. Une fois ce livre commencé, on écoute le petit Emile nous raconter son aventure avec pudeur mais sans compromis. C’est touchant, douloureux, mais on veut vraiment écouter ce petit jusqu’au bout pour savoir comment il va pouvoir survivre à ce cauchemar. Au final, comment un gamin peut-il échapper à l’embrigadement fanatique aussi délirant soit il, perdre tout libre arbitre au nom d’un idéal qui lui échappe.
Un très bon roman qui vous hantera un bon moment. Histoire incroyable, quasi insupportable mais pourtant semi autobiographique sur le courage des enfants.

mardi 20 décembre 2016

Boomerang- Tatiana de Rosnay (4/5)



Boomerang- Tatiana de Rosnay

La vie d’Antoine, architecte quadra désabusé part en quenouille. Sa femme le quitte pour un autre homme, le contact avec ses ados est compliqué, son boss le soule. En souffrance, Il décide de partir avec sa sœur en pèlerinage à Noirmoutier sur les traces de leur mère décédée il y a 30 ans dans des conditions nébuleuses. Plus personnes n’a de souvenirs d’elle, ni de photos. Son père, devenu sinistre et suffisant, a refait sa vie. Mais alors que sa sœur est sur le point de lui faire une révélation aussi fracassante qu’inattendue, c’est l’accident de voiture qui laisse Mélanie dans le coma. Antoine décide alors de partir en quête de cette mère si belle, si différente de cette famille ultra bourgeoise et hypocrite. Cette mère qui cacherait un secret tellement honteux que tout le monde évite le sujet. Et puis il y a la grand-mère, la matriarche qui écrase la famille de son autorité conservatrice qui semble en savoir beaucoup…
Plus qu’un thriller psychologique, Tatiana de Rosnay soulève de véritables questions dans cette histoire à tiroirs. Connaît-on ses parents, qui sont-ils vraiment au delà des apparences convenues, quels secrets honteux nous cachent-ils ? Et connaît-on vraiment nos enfants, ces adorables bambins que nous chérissons et qui peuvent se révéler de vrais monstres hors de la maison ? Comment affronter la mort de nos proches ? Est-on prêts à accepter toute les vérités, même les plus refoulées ? Au final, qui sommes nous en profondeur ? Les profondeurs qui s’avèrent souvent plus sombres que de la boue.
Un roman passionnant, bien écrit, bien construit, très riche, aux personnages très fouillés. Déjà trois des romans de Tatiana de Rosnay (fille de Joël de Rosnay) ont été porté au cinéma. « Elle s’appelait Sarah » et « Moka ». L’adaptation cinéma de « Boomerang » est très réussie, même si raccourcie par rapport au roman, mais avec Mélanie Laurent et surtout un Laurent Laffitte extraordinaire.

samedi 17 décembre 2016

Quand je serais grand je serais Nana mouskouri (4/5)

Quand je serais grand je serais Nana Mouskouri. David Lelait-Helo

Beaucoup d’émotions dans ce livre confidence. Un titre énigmatique, qui promet de belles surprises si on sait le mériter. Et en effet, ce livre est pour le moins surprenant, l’auteur nous faisant littéralement traverser le miroir de sa vie, en nous emportant dans son monde, entre poésie d’enfant et tragédie humaine.

Pour ce livre j’ai fait confiance à mon cher Gérard Collard, libraire youtubeur incontournable avec sa chaine «La griffe noire», devenue pour moi une source d’inspiration aussi jubilatoire qu’indispensable.
Remarquablement écrit, avec beaucoup de finesse, de tendresse même, il nous décrit un monde d’enfant différent, dont l’idole n’est autre que la chanteuse grecque … Nana Mouskouri ! Loin de son image ringarde, Il faut savoir que Nana est la deuxième plus grosse vendeuse de disque après Madonna, pas moins que cela !
Milou, ne rêve que d’elle, jusqu’à l’obsession, allant jusqu’à s’habiller comme elle, apprendre ses chansons par cœur, où prendre son accent. Mais une obsession raffinée et assumée qui va le conduire à un destin inouï, d’écrivain en premier lieu, puis de confident et d’ami précieux de son idole, qui passera du statut d’icone à celui de seconde maman. Un destin incroyable.
Et puis il y a sa mamie, son grand amour, sa confidente, celle qui accepte sa folie, qui l’écoute chanter en grec, le console et sait comprendre sans se moquer ce petit fils à fleur de peau. Et quand sa Grand mère se meurt, c’est lui qui avec une abnégation sans faille va l’accompagner courageusement dans sa solitude.
C’est beau, très bien construit et écrit, avec en filigrane les errances heureuses et tragiques de cet être androgyne, qui m’a fait penser à Anthony and the Johnson par cette sensibilité extrême et douloureuse, en nous amenant à découvrir les difficultés des homosexuels dans notre société, de ceux qui veulent simplement vivre la vie qu’ils se rêvent.
Reste à lire ce que Maitre Collard considère comme un chef d’œuvre » poussière d’homme ». Je lui fais confiance ! Patrice

lundi 12 décembre 2016

Le cri - Nicolas Beuglet (3/5)

LE CRI- Nicolas Beuglet

Deception, deception et beaucoup de bruit pour rien pour ce scenario de blockbuster hollywoodien.
Pourtant cela démarre vraiment très fort. Un asile psychiatrique en Norvège, le pays de Munch d'où le titre, une inspectrice ultra-tourmentée (rousse évidemment, syndrome silence des agneaux), un meurtre des plus étrange (un patient qui s’étrangle à main nue tout seul et dont personne ne connait l’identité !), une ambiance sordide, voilà qui augurait le thriller psychologique névrotique glaçant à souhait. Mais aprés 100 pages, j'ai déjà eu hate que cela se termine.

Ceci dit…si vous aimez les romans de Bernard Weber (les fourmis, les thanatonautes), Dan Brown et son DaVinci Code, vous serez comblés. Des chapitres courts (51 en 490 pages !), un rythme qui ne faiblit pas, des rebondissements toutes les 5 pages, des héros qui voyagent à travers la planète en train, en avion, en voiture, en bateau, en vélo, une intrigue complexe autour de la folie et d’un des plus grands mystères de l’humanité (et oui ,comme chez Werber…), le tout basé sur des faits historiques avérés, peu connus et vraiment incroyables, alors vous serez servi , ce livre vous enchantera et saura vous tenir en haleine. Un bon thriller pour lire dans le train en somme et passer le temps en buvant du café.

La déception, c’est que, comme une majorité de polar de ce genre, c’est vraiment écrit sans aucun style, dans une écriture des plus quelconque, avec une surenchère de rebondissement abracadabrantesques, et des courses poursuites à n’en plus finir qui m’ont essoufflés jusqu’à l’ennui. Sans parler d’approximations scientifiques aux confins du ridicule, enrobé de psychologie de bazar (pauvre Jung…). L’auteur n'est pas un écrivain mais un scénariste et cela se ressent. Ce qu’il a écrit, c’est un scénario de cinéma pour Ron Howard et tom Cruise. Bref pas mon truc. J’en resterai au polars plus sombres et sales, où la psychologie n'est pas faite de grosses ficelles, comme ceux de James Ellroy, magistraux, ou même pourquoi pas Harlen Coben.
Sur ce je m'en vais terminer mon tatiana de Rosnay. A suivre....
Patrice

dimanche 4 décembre 2016

Petit Pays- Gaël FAYE (5/5)

Petit Pays. Ou la fin de l’innocence. (Goncourt des lycéens2016)

Enfin, voilà un livre. Et quel livre. Magnifique et bouleversant...Si vous avez un livre en chantier, fermez le, mettez en pause, et courrez acheter celui-là.

Gaël Fays, plus connu comme rappeur de St Quentin en Yvelines, nous emmène au Burundi, petit pays de son enfance au cœur de l’Afrique colonisée. Il nous fait découvrir les bords du lac Tanganyika, les manguiers, la bière de banane, la musique de Khadja Nin, les petits cafés brousses où tout le monde se réunit pour palabrer gentiment, ses copains d’écoles et de bêtises, son père français, sa mère rwandaise, l’insouciance. Comme il dit, «le début de la fin du bonheur ». Mais il y a pour son salut, Mme Economopoulos, qui lui donne le goût des livres: " Bien sur que les livres peuvent changer ta vie, comme un coup de foudre. Ce sont des genies endormis"
Car sa mère, sa famille est Tutsi. Pour son malheur. De sa belle écriture, car c’est vraiment magnifiquement écrit, il nous raconte son pays avant l’horreur. Puis inévitablement c’est l’apocalypse qu’Il nous décrit, avec sensibilité, sans tomber dans les descriptions insupportables,et comment cet enfant en vient à découvrir l’absurdité de ce monde. Alors que ses parents se déchirent, que ses amis rejoignent la barbarie, et que lui même sera contraint au pire du pire.

" Mon ami Pacifique était là, étalé dans l'herbe, Le gardien m'a raconté qu'en arrivant à Gitarama, il avait découvert toute sa famille assassinée dans la cour de leur maison. Des voisins Tutsis qui avaient échappé au massacre accusaient un groupe de Hutu d'avoir commis ce crime. Pacifique les a retrouvé. Une femme portait la robe qu'il avait offert à Jeanne pour leurs fiancailles.Il est devenu fou et a vidé son chargeur sur le groupe. Puis il a été immédiatement condamné à mort et fusillé."

La fin du livre est réellement exceptionnelle, et si vous n’avez pas les larmes aux yeux en le refermant, consultez d’urgence.